Tempête du 22 janvier 1988

I. Synthèse de l’événement

Date de début d’événement : le 22 janvier 1988 à 10 heures locales

Date de fin d’événement : le 23 janvier 1988 à 03 heures locales

Type d’événement : dépression atlantique, tempête de type ND (classification Dreveton)

Départements touchés ou régions concernées :

Régions impactées

Toutes les régions sont plus ou moins concernées par cet épisode tempétueux sauf l’Aquitaine qui reste la seule région à totalement échapper aux rafales de plus de 100 km/h.

Picardie, Haute-Normandie, Basse-Normandie et Nord-Pas-de-Calais sont les régions les plus fortes impactées par les rafales à plus de 100 et 120 km/h.

Auvergne, Rhône-Alpes et Poitou-Charentes sont moins fortement touchées.

Résumé :
Une dépression atlantique longe le 51ème parallèle nord affectant la France le 22 janvier. Un petit tiers nord de la France est concerné par des rafales à plus de 100 km/h (jusqu’à 150 voire 170 km/h près de la Manche). La Méditerranée est également touchée. Au Cap Béar et au Cap Corse le vent atteint respectivement 151 et 169 km/h.

Intensité maximumDuréeSurface du territoire métropolitain touchéIndice de sévérité
173 km/h à Fécamp
17 heures
27 %
fort

II. Description de la situation météorologique



Le 21 janvier un flux d’ouest à nord-ouest concerne la France entre un anticyclone au large du Portugal et un vaste système dépressionnaire au nord de l’Écosse. En soirée, une petite dépression secondaire se forme au sud-ouest de l’Irlande. Elle accélère ainsi le flux se dirigeant vers la France.

Cette dépression se dirige vers le Nord-Pas de Calais le 22 janvier, tout en se creusant (988 hPa). Les vents tempétueux associés atteignent leur paroxysme durant la matinée du 22 janvier. Ensuite elle continue sa course en s’affaiblissant pour se retrouver sur l’Allemagne le 22 janvier en soirée. Au même moment un anticyclone se développe sur la France provoquant la levée d’un fort épisode de mistral et de tramontane près de la Méditerranée, où une dépression s’est formée dans le Golfe de Gênes.

III. Vent

Le vent se renforce nettement dans la nuit du 21 au 22 janvier, d’abord en Bretagne puis sur l’ensemble des côtes de la Manche. Le paroxysme de cette tempête y est atteint entre la fin de nuit (Bretagne) et la mi-journée (Nord-Pas de Calais).

Rafales maximales observées Rafales maximales estimées
Vents maxi observées Rafales maximales estimées

Au plus fort, les vents atteignent 120 à 170 km/h sur les côtes, et 100 à 130 km/h à l’intérieur.

Plus à l’intérieur des terres, l’Île-de-France est également touchée à la mi-journée avec 90 à 120 km/h.

La Champagne-Ardennes, la Bourgogne, la Lorraine et l’Alsace sont concernées l’après-midi avec 80 à 110 km/h.

En soirée, de très fortes rafales de vent concernent aussi le bassin méditerranéen avec 151 km/h au Cap Béar et 169 km/h au Cap Corse.

Rafales remarquables mesurées le 22/01/1988
RégionDépartementPosteAltitude (m)Vent instantané
maximal (km/h)
Date et heure locale
Bretagne 29 Quimper 90 126 22/01/1988 à 6h28
Basse-Normandie 61 Alençon 143 112 22/01/1988 à 11h02
Haute-Normandie 76 Dieppe 38 137 22/01/1988 à 10h50
Nord-Pas-de-Calais 59 Lille 47 126 22/01/1988 à 13h34
Picardie 02 Saint-Quentin 98 122 22/01/1988 à 13h30
Lorraine 57 Metz 192 108 22/01/1988 à 18h05
Île-de-France 95 Le Bourget 49 119 22/01/1988 à 12h51
Bourgogne 89 Sens 70 112 22/01/1988 à 12h47
Languedoc-Roussillon 66 Cap Béar 82 151 22/01/1988 à 17h05
Corse 2B Cap Corse 104 169 22/01/1988 à 23h30

IV. Phénomènes météorologiques associés

Cumul pluviométrique sur 3 jours

Pluviométrie cumulé sur 3 jours du 21 au 23 janvier 1988

Cette tempête provoque de fortes pluies par blocage orographique au pied des Pyrénées.

Sur une période de 48 heures, entre le 21 janvier 1988 à 7h00 et le 23 janvier 1988 à 7h00, les cumuls atteignent localement 100 à 150 mm sur les Pyrénées-Atlantiques, les Hautes-Pyrénées et l’Ariège.

On note également d’importantes chutes de neige sur le relief.

L’autre phénomène remarquable concerne l’état de la mer. Le vent provoque l’arrivée d’une houle de 5 à 10 mètres en provenance de l’Atlantique. D’autre part, différents facteurs se conjuguent pour sur-élever encore le niveau de la mer : le coefficient de marée élevé (proche de 100), la chute de pression au passage de la tempête, mais également les vents dominants en provenance de l’ouest ou du nord-ouest. Ces éléments sont à l’origine d’une surcote proche des 2 mètres se rajoutant à la houle sur le littoral de l’Atlantique mais aussi sur les côtes de la Manche.

V. Impacts socio-économiques

Cette tempête occasionne de nombreux dégâts matériels (arbres déracinés, routes coupées, coupures d’électricité, toitures envolées…). Ces dégâts sont concentrés sur le tiers nord de la France. Les pompiers réalisent de très nombreuses interventions. Des pêcheurs en mer sont sauvés par hélitreuillage. Plusieurs écoles sont évacuées. Une quarantaine de maisons de Hauteville-sur-Mer (Basse-Normandie) doivent être abandonnées, en raison de la submersion par les vagues. Des bateaux coulent dans les ports et des camions se couchent sur les routes. Enfin, plus de 30 000 foyers sont privés d’électricité, principalement en Bretagne, mais aussi en Picardie et dans le Nord-Pas-de-Calais. Au final, 6 victimes sont à déplorer ainsi que de nombreux blessés.

L’histoire la plus marquante de cette tempête reste celle d’un cargo panaméen, le Bréa, au nord de l’île d’Ouessant au moment le plus fort de la tempête. Ce cargo possède des centaines de fûts de sulfure de sodium et d’acétone sur son pont. Face à la puissante houle générée par la tempête, le cargo perd 700 de ses fûts qui tombent à la mer. Après la tempête de nombreux fûts sont récupérés sur le littoral breton. Toutefois une cinquantaine de fûts contenant des pesticides organophosphorés, des produits très dangereux, n’ont jamais été retrouvés.

Informations complémentaires disponibles sur le site des tempêtes avec submersion : étude Vimers des événements de tempête en Bretagne par Météo-France, le SHOM (Service Hydrologique et Océanographique de la Marine) et le Céréma (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement)

Glossaire

blocage orographique : il s’agit d’une accumulation de nuages (par blocage) sur une zone montagneuse (zone orographique). Lorsque le vent souffle perpendiculairement à un relief, les nuages s’accumulent naturellement sur le versant exposé (on parle de « versant au vent du relief »). Si les conditions sont réunies pour le développement des nuages, le ciel s’obscurcit sur ce versant. Au fil des heures, il peut pleuvoir (ou neiger), et dans certains cas les cumuls de précipitations peuvent être significatifs. Le blocage orographique se produit pour des reliefs suffisamment étendus. Par exemple, ce phénomène se produit souvent en flux de nord sur le versant français des Pyrénées.

surcote : c’est une sur-élévation générale du niveau de la mer à un endroit et à un moment donné. En effet, elle varie dans l’espace et dans le temps et dépend principalement de 3 facteurs :

  • la pression atmosphérique (la pression standard au niveau de la mer est de 1013 hPa. En dessous de cette valeur, 1 hPa en moins équivaut environ à 1 cm d’élévation générale du niveau de la mer) ;
  • la marée (plus les coefficients sont élevés, plus les marées hautes créent de la surcote) ;
  • l’orientation du vent par rapport à un rivage (un vent perpendiculaire à une côte et en provenance de la mer, va provoquer une sur-élévation).

Ces 3 phénomènes s’additionnent pour donner la surcote totale. Elle est à prendre en considération dans les prévisions marines. En effet, conjuguée à de fortes vagues, elle peut entraîner des submersions.